Articles de blog de Amina CHENTOUF
La comorbidité ou « double diagnostic » est définie par l’OMS en 1995 comme la cooccurrence, chez un même individu, d’un trouble lié à la consommation d’une substance psychoactive (SUD) et d’un autre trouble psychiatrique. Cette association n’implique ni un lien de causalité, ni la présence des deux troubles au même moment. Les troubles co-occurrents ont alors un pronostic et une évolution plus sévères que celui de chacun des troubles pris indépendamment et impliquent des stratégies de dépistage et de prise en charge adaptées. Des études princeps ont souligné que les SUD sont plus fréquents chez les personnes atteintes de troubles mentaux que dans la population générale (7) (9) (10), contribuant ainsi à la forte charge de morbidité dans le monde (8). Le trouble dépressif est parmi les troubles psychiatriques qui co-occurrent le plus avec les troubles liés à l’usage de substances psychoactives (1)(2). La prévalence de cette comorbidité est particulièrement élevée chez les adolescents, elle atteint les 24 à 50% (3) et constitue un véritable problème de santé publique (4). La principale complication de cette association est l’augmentation du risque suicidaire (5). De plus, plusieurs études montrent que les patients au double diagnostic sont cliniquement plus sévères et difficiles à stabiliser, avec un plus grand taux d’incapacité et d’invalidité et une plus grande utilisation des services de soins, que ceux ayant un trouble isolé (6)(7). Plusieurs hypothèses ont été émises pour expliquer les taux élevés de comorbidité. D’abord, un trouble mental peut influer directement sur l'autre, comme l'utilisation excessive d'alcool peut produire une dépression chez les personnes dépendantes. Il a été suggéré également, que les patients dépressifs peuvent abuser de substances psychoactives dans un but d’automédication pour soulager leurs symptômes, notamment l’anxiété. Une troisième possibilité est que la comorbidité peut résulter de causescommunes partagées par prédisposition génétique ou facteurs socio-économiques (2). Cependant, en dépit des taux élevés de cette comorbidité, des nombreux travaux réalisés et des hypothèses explicatives proposées, le problème de la co-occurrence reste mal compris et insuffisamment pris en compte en pratique clinique.
In : La dépression : Un problème majeur de santé publique. Sous la coordination de M. Taleb. Mai 2016.